Un lancement de livre inattendu

L'art de se réinventer quand tout autour semble s'écrouler.

Ça y est, la nouvelle tombe! Par mesure de prévention en lien avec la fameuse COVID-19, les écoles ferment pendant deux semaines. Puis, jour après jour, de nouvelles mesures sont adoptées pour éviter tout rassemblement qui pourrait permettre la contagion. À l’intérieur de moi, je le sais trop bien. Nous sommes le 16 mars et je ne peux que m'y résoudre : le lancement de mon tout dernier livre, Placotage Naturel, n’aura pas lieu comme prévu le 5 avril prochain. Je suis déçue. Terriblement. J’ai investi tellement de temps dans les derniers mois, avec tout mon cœur, pour en arriver à ce jour de célébration! Je sais, vu la situation particulière qui « paralyse » le monde entier, ce n’est qu’un détail. Toutefois, ma petite fille intérieure, l’écrivaine et même la femme en moi refusent d’être raisonnables. Je choisis de vivre ma peine. Je choisis de l’accueillir. Je trouve ça tellement injuste! J’ai investi dans ce rêve temps et argent et c’est comme ça que ça se termine? Pas question! Je boude, je pleure au milieu de la forêt, à travers les arbres et les oiseaux, je laisse sortir mes émotions. La nature me calme, m’apaise, me permet de reprendre mes esprits embrouillés par la déception. Voilà la véritable émotion : je suis déçue. À travers ce tumulte engendré par le virus, même si je sais que c’est un détail dans une vie, je suis désappointée. Doucement, grâce à la beauté et au silence de l’environnement dans lequel je suis plongée, un éclair de conscience me foudroie. Une idée de génie qui me donne envie de célébrer à nouveau.

Dans ce confinement, je choisis alors de devancer aujourd'hui même le lancement prévu dans trois semaines, rien de moins.

Au dîner, j’avise alors chéri et les enfants que le lancement de mon livre aura lieu cet après-midi, soit dans environ une heure. Comble de bonheur, tout le monde embarque dans l’aventure.

En famille, nous préparons l’événement particulier qui aura lieu… au cœur de la forêt! Pour un livre ayant comme titre Placotage Naturel, j’avoue que l’endroit est tout indiqué.

Pour ce faire, je prépare du chocolat chaud à verser dans des tasses isolantes, ma fille aînée s’occupe du journal, du carton, du bois et du briquet qui serviront à allumer le feu. Mes deux plus jeunes filles, âgées respectivement de onze et douze ans, ont tellement hâte qu’elles se précipitent vers le boisé longtemps avant nous. Je prends bien soin d’emporter un exemplaire de mon livre et un stylo.

Ma grande en ski, mon fils en traîneau, chéri qui viendra nous rejoindre plus tard en « quatre-roues » : en route sur la croûte! Et c’est le cas de le dire! C’est tellement glacé dans les champs à traverser avant d’arriver au lieu fétiche que les deux grands ados s’en donnent à cœur joie. Le soleil est splendide, le ciel est d’un bleu pur, je suis aux p’tits oiseaux, le cœur léger. Je me sens légère et à la fois émue, touchée par cette capacité à transformer ma déception en magie.

Arrivés sur place, près de la rivière qui serpente le boisé, nous avons érigé un feu. Les plus jeunes ont glissé, dévalant la pente à toute allure. Je me suis sentie portée et privilégiée. Chéri est enfin arrivé. Il a bien senti à quel point ce moment était important pour moi.

J’ai souhaité la bienvenue à tous, puis lu un extrait autour du feu. Nous avons partagé la boisson chaude. Surprise! Chéri avait apporté une petite boîte d’amandes enrobées de chocolat. À six gourmands, je peux t’assurer qu’elle était vraiment petite! L’écureuil que j’avais invité un peu plus tôt, à l’orée du bois, a finalement accepté ma proposition. Les mésanges et les corneilles se sont jointes à la fête.

Puis, je me suis éloignée un instant de la foule familiale pour aller à la rencontre de mon ami le grand pin, qui, un peu plus loin, observait la scène. Assise à sa base, j’ai remercié pour ce moment de grâce. Exemplaire de mon nouveau livre en main, je l’ai dédicacé. Mais à qui donc? À moi! Dans cet instant de recueillement et de reconnaissance, je me suis adressé ces mots. Ils sont pour moi le souvenir de cet événement particulier et inoubliable.

Aujourd’hui, 22 mars, la crise actuelle en lien avec la COVID-19 n’en est possiblement qu’à ses débuts. Toutefois, je souhaite très sincèrement que tous ceux qui choisiront de me lire malgré tout en sortent grandis.

Que ces inspirations vivantes au rythme des saisons mettent un baume sur ton cœur et qu’elles éveillent ta joie intérieure, et ce, peu importe le moment où tu décideras que c’est désormais le temps de me lire.

Josée Mercier